Do you remember?… [r.]

Après quelques jours passés dans ce camp, Joe avait appris un peu à mieux se mêler et à mieux s'intégrer dans cette population qu'il ne connaissait que très peu. Lui qui avait bien souvent su faire attention à ce qu'il buvait, avait fait l'effort de se laisser allez pour le plus grand plaisir de la production. Il n'était pas forcément parti très optimiste, mais plus son rôle a pu se développer, plus il prend goût à ce qu'il n'est pas, bien que quelques traits de son caractère se mélangent encore dans sa tête. Ce soir, il allait enfin tenter de traîner dans le… Bar. Ouais un «bar» qui n'en était pas vraiment un, c'était vraiment le strict minimum et avouons-le, les caravanes, c'était pas le fort de Joe, il ne voyait plus que ça au final. Affichant malgré tout ce fidèle sourire malicieux sur ses lèvres, il entra dans cette caravane tout en jetant un regard de chaque côté. Il y avait pas autant de monde, certainement que certains préféraient allez se saouler quelque part dans la nature et arroser la végétation de leur bile dont ils connaissent désormais parfaitement l'odeur. S'approchant du comptoir, il n'eut pas tellement de peine à récupérer un premier verre de vodka, ses lèvres faisant connaissance avec le verre qu'il avait entre ses doigts, il porta son attention sur une jeune femme assise sur une chaise, dos à lui.

S'accoudant au bar tout en relevant la tête, ce fut grâce à un miroir qu'il eut la chance de reconnaître le visage de cette personne, une personne qui était loin de lui être inconnue puisqu'en plus d'avoir vu les fiches des gens traînant dans le coin, il la connaissait. Enfin il la connaissait assez pour se rappeler d'elle, après tout il avait passé d'agréables moments lors de ce camp scolaire; une petite aventure ne s'efface jamais, surtout lorsque c'était en partie d'un jeu dont il avait été question. Fuyant par la suite le miroir de son regard, il porta son attention sur son verre et son sourire s'était innocemment élargi, se retrouvant désormais avec un deuxième verre de vodka en main. Son corps se décolla lentement du comptoir pour finalement se diriger vers Loreley. Une fois près d'elle, le britannique laissa ses lèvres venir à la hauteur de l'oreille de la belle brune, faisant passer une main juste devant elle, lui offrant alors une vodka tout en lui murmurant d'une voix pleine d'entrain, mais pourtant calme et étrangement douce.

«Cap ou pas cap d'accepter une vodka d'un illustre inconnu?»

Son regard se déposa alors sur le miroir qui était juste devant eux, observant la réaction de Loreley qui n'avait rien perdu depuis qu'ils avaient du se quitter. Son regard avait pris encore plus d'importance au sein de son visage et ses lèvres fines étaient parfaitement bien dessinées. Immobile derrière elle, il ne regardait qu'elle et gardait le verre de vodka juste en-dessous de son visage, attendant une quelconque réaction de Loreley.

Dans un bar typique, il m'aurait suffit de commander une bière pour qu'on m'en serve une. Mais il est inutile de préciser qu'Opal Springs n'a absolument rien d'habituel, n'est-ce pas? Je pénètre dans la caravane qu'on nomme plus communément ici « le bar » et me dirige sans attendre vers le mini-frigo, où j'en sors une bière fraiche. Rapidement, mes lèvres et la canette rentrent en contact et les quelques gorgées de ce délicieux élixir de vie a ce don de me rafraichir en à peine quelques secondes. Détestant être debout trop longtemps, -surtout lorsque je suis en train de siroter une bière, cette boisson légèrement alcoolisée ayant le don de me faire rapidement tourner la tête-, je rejoins la première table -et l'unique- de la caravane alors que je dépose ma canette sur la table.

Soudainement et spontanément, je me mets à rire. Vous savez, ce genre de rire gras et qui ne s'arrête pas de ci-tôt, ce genre de rire qui ne s'explique et qui nous prend, à l'aide d'un peu d'alcool dans le sang – et probablement des restes de drogues dans le sang -. Pourtant, celui-ci a bien une raison, car je ne peux m'empêcher de trouver cela ironique qu'une ancienne princesse, n'ayant jamais gouter une seule goutte d'alcool, se prend alors après sa fugue à boire sans modération, devenant même accro aux drogues douces. Oui, vraiment ironique.

La porte de la caravane s'ouvre et j'imagine alors que quelqu'un pénètre à son tour dans le bar, et pourtant je n'y prête pas attention. A dire vrai, ma tête étant trop dans les nuages m'empêche de réaliser que quelqu'un vient d'entrer ici. Et pourtant, lorsque la personne s'approche de moi, me tend un verre de Vodka, approche sa bouche de mon oreille, je redeviens immédiatement terre à terre. Comme si les effets de ces choses que j'aimais tant pouvaient s'estomper uniquement à cause de cette personne.

Cap ou pas cap d'accepter une vodka d'un illustre inconnu?

Immédiatement, je me redresse et un frisson me parcourt le corps et ma respiration se fait plus rapide, et plus difficile. C'est idiot de réagir ainsi, mais c'est que cet homme prétendant être un illustre inconnu n'en est pas véritablement un. Je n'ai besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit car malgré les années passées, jamais je n'oublierai ses murmures au creux de mon oreille qui ont toujours eu, inexorablement, un pouvoir incroyable sur moi. Comme ses doux baisers sucrés qui me rendaient tout simplement folle.

On n'a plus quinze ans Joe, ce n'est plus de notre âge maintenant. Tu ne te rends donc pas compte que c'est terriblement puéril?

Et pourtant, ma bouche refusait de jouer mais mon cœur en rêvait. Ça peut vous paraître fou, mais ce jeu, relevant plus de défis loufoques qu'autre chose, était un résume très bref de notre relation avec cet homme. Une relation que j'ai adoré, qui m'a toujours rendu une autre, cette autre que j'ai toujours apprécié. Je me retourne alors vers lui pour le fixer longuement alors que mes mains prend également le verre qui me tend -mes doigts rencontrent alors les siens, et je me sens alors faillir-. C'est fou, je n'ai pas l'impression qu'il n'a pas changé, il semble juste être un peu plus musclé et s'être laissé la barbe poussée. Mais au fond, il n'a pas changé, et j'ai cette sensation de redevenir l'adolescent de quinze ans, qui aurait été capable de tout pour avoir un baiser de cet homme, un peu plus âgé que moi et dégageant un sex appeal qui rendait toutes les filles folles.

Cap.

Voilà, en un seul mot j'avais donné le ton de notre relation, et je regrettais immédiatement ce mot. C'est pourquoi, quelques secondes après avoir relever le défi -qui n'était pas très difficile, j'en conviens- j'ajoute que c'était bien le dernier. Le dernier de tous les cap ou pas cap, une manière de tourner la page et de reprendre une nouvelle relation. Une relation plus saine et qui j'espère sera plus en mot qu'en contacts physiques.

Qu'est- ce que tu fais ici? C'est drôle, mais tu es la dernière personne que j'imaginais rejoindre un camp hippie.

J

uste derrière elle, son sourire s'était légèrement élargi en entendant cette réponse remplie de négation. Joe ne bougea cependant pas et il avait bien eu raison. La jeune femme s'était gentiment retourné vers lui, déposant enfin son regard dans le sien pour finalement saisir lentement le verre qu'il lui tendait, lui offrant au passage une caresse involontaire sur ses doigts. Tournant l'espace de quelques secondes la tête afin de trouver une chaise à sa portée, il en tira une vers lui pour pouvoir s'y asseoir et reposer son attention sur celle qui avait finalement relevé ce défi qui, il faut l'avouer, n'avait rien de très alléchant, il faut dire que ça avait juste été un coup pour être certain qu'elle se souvenait de lui, même si au fond, il aurait été étonné si ça avait été le contraire. Buvant une gorgée de sa vodka, il prit la parole une fois que ses lèvres quittèrent son verre, prenant un malin plaisir à porter son regard sur les lèvres de la jeune femme, intentionnel et pourtant, il jonglait avec ses yeux.

«Nous n'avons plus quinze ans? Tiens, tu m'apprends quelques chose.»

Lâchant un bref petit rire étouffé, il avança encore un peu sa chaise pour se retrouver encore plus proche de Loreley. L'une de ses mains faisait tourner gentiment l'alcool qui était au fond de son verre, tandis que l'autre jouait gentiment avec sa joue, son pouce la massant gentiment.

«Je me rends bien compte de la puérilité de ce jeu, mais c'est comme ça que l'on s'amuse, en redevenant plus jeune et non pas en se narrant des histoires qui te pousseraient à te lasser de ce que je raconte, quoiqu'au pire tes yeux ont toujours de quoi s'occuper, tous comme les miens en fait.»

Autant dire ce qui lui traversait l'esprit, jusqu'à maintenant ça avait bien marché et puis il n'avait pas réellement tort. Du moins, si Loreley ne le trouvait pas à son goût, il serait peut-être déçu, car lorsqu'on lui plaisait, il aimait plaire aussi. Une brune juste en face de vous dont le regard vous fixe sans porter d'attention autour de vous était une sensation très agréable. Moins que ce dont il pouvait se souvenir de Loreley; comme ses doigts qui avaient pris l'habitude – il y a plusieurs années – de glisser sur son torse lors d'une petite pause dans le gazon du campus, ou encore lorsque ses lèvres venaient glisser lentement dans son cou et lui susurrer quelques paroles au creux de l'oreille. De petits souvenirs qui vous ramenaient alors à la personne concernée, assise juste en face de vous, buvant dans le verre que vous lui aviez offert. Elle engagea alors la discussion plus sérieusement, pourquoi était-il ici et surtout, que c'était pas lui qu'elle pensait croiser ici. Se frottant le front tout en rigolant une seconde fois, il prit le verre entre ses deux mains et haussa d'un air indécis ses épaules, se mordillant doucement la lèvre inférieure et finalement répondre à Loreley.

«Toi aussi tu trouves ça drôle? je t'avoue que j'avais envie de changer d'air, de vivre quelque chose de spécial et j'ai pensé qu'une idée comme celle-là, pouvait bien coller à mes envies. Et puis regarde-moi, j'ai tout pour être un hippie, non?»

Il leva les bras de chaque côté pour la laisser prendre en compte ce qu'il venait de dire, tout en se permettant d'ajouter dans un bref murmure.

«Pour les cheveux, je pourrais faire un effort, mais je me suis dit que la barbe c'était déjà pas mal.»

Reprenant le tout en souriant, il termina son verre tout en laissant son regard glisser jusqu'aux pieds de Loreley. N'allez pas croire qu'il l'avait fait tel un coureur de jupon, non il ne s'était pas trop attardé, préférant davantage son visage au reste, de plus que son petit sourire lui plaisait bien, enfin… Il n'y avait pas que ça, comprenons-nous.

Cela va vous paraître sûrement idiot, mais j'ai dû mal à réaliser que cet homme puisse devenir hippie, et j'en viens même à demander s'il n'est pas envoyé par ma mère pour me ramener à la maison: suis-je donc trop égocentrique ou bien même bien trop paranoïaque? Bien que très méfiante à son égard, je ne peux m'empêcher d'être ravie de le voir ici, ayant toujours été en excellent rapport -si ce n'est trop- avec cet homme. Ses yeux quittent les miens lorsqu'il boit une gorgée de son élixir de vie et j'en profite pour boire à mon tour, comme attiré par cette boisson en apparence comparable à de l'eau mais qui est finalement bien plus, comme si on me brûlait délicieusement la gorge. Il ne faut pas être trop intelligent pour remarquer que Joe fixe mes lèvres, ce qui a le don de me froisser: pourtant il parvient parfois à me regarder à nouveau dans les yeux ce qui m'oblige à ne rien dire. Il prend la parole et je l'écoute, non mieux encore, je bois ses paroles. Sûrement parce que chacun de ses mots ne sont que synonymes de vérité, ou bien aussi parce que cette voix à la fois suave et grave me rend nostalgique de ses caresses expertes.

Tu es toujours aussi diplomate à ce que je vois, d'ailleurs tu as complètement raison. Et puis, je n'ai pas changé, je suis toujours restée cette enfant adorant courir dans l'herbe.

J'évoque cette image, espérant que l'homme en face de moi comprendra à quoi je fais référence. Oui, ces jours où je prenais sa main sans être effrayé, où je l'emmenais au loin, dans les herbes hautes, où mes rires étaient incessants et joyeux, où je n'hésitais à l'embrasser à pleine bouche sans être inquiète de nous faire prendre, où je passais mon temps allongée dans l'herbe à ses côtés, à admirer les nuages qui semblaient bien plus merveilleux qu'à présent.

Je ne réponds pas à sa fin de phrase, qui ressemble plus à une sorte de drague qui ressemble bien à Joe, sachant que si j'entre dans son jeu, je ne pourrai pas y sortir. Ou alors très difficilement, et contre mon gré. Je me contente de lui sourire, pour lui faire comprendre que je ne veux plus de ça -du moins pour le moment, et pas aujourd'hui-. Face à mes diverses questions, il se frotte le front et cela me décroche à nouveau un sourire, me faisant inévitablement penser à toutes ces fois, où, il faisait ça en guise de réflexion. Il enchaîne finalement ses tics car à présent il se mordille la lèvre inférieure qui le rend désirable -je ne peux le nier, je me sens même fondre face à cet acte qui peut paraître banal, certes, mais qui est terriblement sexy sur lui-. Je parviens pourtant à garder mon calme à l'aide de la vodka que je déguste, puis je pose mon coude contre la table, alors que mon menton se range dans ma paume de main: mes doigts, quant à eux, se collent à ma joue et à nouveau je l'écoute avec grand plaisir. Il parvient même à me faire rire et je comprends alors que je n'ai plus de raisons d'être méfiante à son égard. Pas lui, pas Joe. Pas cet homme qui me faisait tourner la tête à un point inimaginable lorsque j'étais encore qu'une adolescente.

En tout cas, je ne peux qu'être heureuse de te voir ici, dans cet endroit que j'affectionne tant. Et puis j'admire le destin qui fait que nous sommes arrivés dans le même pays, et pire encore, dans le même camp! Je crois que maintenant je vais être moins sceptique envers Elisa. Je m'arrête pour rire doucement, car j'imagine alors la réaction d'Elisa si elle entendait que pour une fois, je lui donnais raison. Je t'avoue que ça me fait étrange de te voir barbu, tu sembles tellement plus homme. Plus posé et réfléchi. Mais sache que j'aime beaucoup.