moe ▄ pretty damn thing.

█ Nom― Je porte le nom de mon père, Wendlynn. Il ne m’est pas nécessaire de préciser que ma mère aurait, certes, opté pour que je porte le sien, mais il n’en fut pas ainsi. De nombreuses discussions opposèrent mes parents, alors qu’ils se devaient de sélectionner le nom que je porterai à ma naissance. Il va sans dire que leurs conversations furent des plus endiablées entrecoupées d’arguments ne tenant parfois pas la route. Ma mère s’acharnait, harcelant son mari et teintant tous ses discours riches en arguments d’un ton des plus incitateurs; elle avait un de ces étonnants dons de persuasion. La bataille qu’ils se livrèrent fut une simple question d’honneur; plus que tout ils voulaient que leur fille porte un nom à leur effigie. Le nom de mon père sortit vainqueur de la dure bataille qu’il livra au nom de ma mère, De Marchet. Elle cessa de lui parler pour plusieurs jours, renfrognée, mais surtout on ne peut plus insultée que l’usage de ses diverses tentatives en vue de le persuader eurent échouées. Fidèle à elle même et ô combien mauvaise perdante, ma mère ne su accepter la défaite. C’est pour cette raison qu’elle s’assura de faire figurer sur mon baptistère son nom, juste derrière celui de son mari. Cette légère fourberie ne manqua pas de la faire sourire sournoisement, fière de son accomplissement. Bien que mon nom complet soit Wendlynn De Marchet, je ne l’utilise que très rarement en son entier, celui-ci étant des plus étranges, pour ne pas tout simplement dire singulier. Il m'arrive par contre d'en faire usage, ne voulant nier mes origines françaises. Comme quoi ma mère arrive vraiment à obtenir le fruit de ses désirs.

█ Prénom― La seconde bataille que se livrèrent mes parents concerna le prénom duquel ils allaient m'affubler. Cette bataille fut sans merci. Et cette affirmation est bien loin de la blague risible et amusante. Ils ont réellement été les victimes de nombreuses disputes sans raison d’être. Ma mère, Française, à tout prix était désireuse que sa fille soit baptisée d’un prénom ne niant pas ses origines. Elle tenait plus que tout à sa nationalité française et refusait, du revers de la main, tous les prénoms anglophones qu’en vain mon père tentait de lui proposer, usant de ruse pour la convaincre un tant soit peu. Elle ne démordait pas de son inspiration première; sa fille se prénommerait Mégane, et ce malgré les colères dignes d’une tempête que son mari lui faisaient endurer. Ce dernier, tout comme ma mère, ne cédait en aucun cas. Depuis l’annonce de la grossesse de sa femme, il avait un nom en tête et se départir de cette idée de prénom lui était tout simplement irréalisable. Pour lui, sa petite fille ne pouvait indéniablement porter autre nom que Malloree. Jamais le couple qu’ils formaient ne put trouver un arrangement qui fut convenable. La seule option envisageable devint alors d’une grande évidence; leur fille serait affublée des deux prénoms, en dépit du fait qu’ils étaient tous deux propres à une langue différente; français, ce qui faisait le bonheur de ma mère, puis anglais, ce qui évitait de créer une quelconque injustice. Et c’est ainsi que je fus baptisée Malloree Mégane.

En toute franchise, l’utilisation de Malloree est prônée, à mon plus grand contentement. Ce n’est pas que le prénom Mégane me déplaise, bien au contraire, je lui trouve une assonance plutôt agréable, mais nous vivons dans un pays anglophone et il est d’autant plus ardu pour les anglophones de prononcer Mégane sans l’écorcher. Sans compter que Mégane est, selon moi, un prénom adorable pour un bambin, encore pour une fillette, mais il n’en va pas pour autant à mon âge. Ceci dit, ma mère est tout simplement incapable de me surnommer Malloree, qui ne sera jamais, en son avis, mon prénom. Alors elle s’entête à s’adresser à moi en se référant au prénom qui fut celui de son choix à ma naissance.

█ Surnom donné par la production― On oublie mon prénom. On oublie davantage mon nom. Ici, c’est Maureen. Et je déteste. Non, je hais tout simplement. Je ne dis pas ce que ce prénom est horrible, mais j’ai un mal fou à m’y faire. J’éprouve une profonde hargne à l’égard du surnom qui découle de ce nouveau nom; Moe. Je ne saurais expliquer pour quelle raison je le hais tellement; je ne l’aime pas, voilà tout. Et pour une raison qui me reste toujours inconnue à ce jour, mon entourage ne semble pas apte à me nommer Maureen. Non. Trop long, trop je ne sais quoi. C’est Moe. Moe, quelle horreur! Pourquoi moi? N’auraient-ils pas pu affubler quelqu’un d’autre de ce ridicule prénom? Visiblement non. Il ne me reste plus qu’à l’endurer, l’apprivoiser, et m’y accoutumer. Et qui sait. Peut-être vais-je même apprendre à l’apprécier.

█ Âge & Date de naissance― « La jeune fille au visage d’ange. Les yeux bleus de l’enfance même. La rougeur de ses joues reflète l’innocence même. Le léger sourire de ses lèvres est l’image même de la candeur. » Je ne pourrais nier que de tels propos sont souvent utilisé lorsqu’on en vient à parler de mon apparence. Mon apparence qui malheureusement à tout de celle d’une enfant pure. Il est ardu d’y croire, certains osent même m’accuser de fourberie lorsque je mentionne mon âge. J’ai vingt-deux ans. La générosité des gens les poussent parfois à m’accorder la vingtaine, mais la plupart d’entre eux sont radins, et sans la moindre vergogne, ils ne me donnent que seize ans, ou encore dix-huit ans, sans pour autant franchir ce cap. Je dois avouer avoir cette impression d’avoir encore seize ans. Non pire, sept ans, même. Je n’ai pas toujours l’impression d’avoir 22 ans; l’âge des jeunes adultes. J’ai encore un cœur d’enfant, je suis une vraie gamine dans un monde d’adultes, un mode trop austère pour une jeune fille qui s’accroche à des rêves enfantins comme on s’accroche a de vénérées ambitions. Je suis une enfant, une jeune fille à la candeur ahurissante; je suis une enfant, un point, c’est tout!

J’ai vu le jour en 1986, un 21 février, journée qui ne manqua pas de faire la différence dans bien des vies, ou du moins, une ou deux, quelques unes tout au plus; journée qui marqua ma famille. J’étais la première fille de mes parents, et la dernière. Bien que la journée fut froide et plutôt maussade, il va sans dire que mon arrivée dans le monde teinta de soleil le cœur de tous les occupants de ma famille, je ne manquai pas de faire le bonheur de ma mère, la fierté de mon père. Mes premiers cris furent poussés très tôt en matinée et mes grands yeux curieux découvrirent le monde alors que le soleil pâle et caché par de gros nuages tentait, en vain, de se faufiler entre les sombres rideaux de la chambre où ma petite famille était regroupée.

█ Nationalité & Lieu de Naissance― Mon père vit le jour dans de lointaines contrées, Européennes. Un monde loin de la grande Amérique, un monde différent, un autre monde; Oxford, en Angleterre. Ma mère, quant à elle, est Française. Elle a vécu une bonne partie de son enfance et de son adolescence en France. Comment une rencontre entre mes parents a-t-elle pu avoir lieu? Une vieille histoire de mariage arrangé; une histoire ancienne de laquelle mes parents ne parlent que très rarement, mais de laquelle a découlé une union où l’amour ne put faire autrement que naître. C’est de cette union que je tiens mes origines dites franco-anglaises. J’ai vu le jour à Oxford, dans le même hôpital où mon père entra dans la dure cadence du monde. J’ai vécu dans cette même ville de longues années. Nous déménageâmes par la suite ne France, où je vécu jusqu’à mes 18 ans. J’appris donc le français, et je le parle maintenant couramment, sans le moindre accent. J’ai conservé, quand je dialogue en anglais, mon accent british, qui me donne un air si hautain duquel je ne peux me départir. À mes 18 ans, mon mari, un Américain, et moi emménageâmes chez lui, aux États-Unis. Je dis donc au revoir à ma famille et bouclai mes valises. La vraie vie commença pour moi aux États-Unis. Je n’ai rien de l’Américaine typique. Mon cœur est quelque part entre l’Angleterre et la France, ma vie est à Manhattan. Et à présent? Je ne sais pas trop. Je vis dans un nouveau monde. Le monde des Hippies.

█ État civil― Je suis veuve. Une telle affirmation peut sembler étrange et pourtant elle est bien véridique, ce qui ne manque pas de causer quelque lourdeur sur mon cœur. Je me suis mariée à l’âge précoce de 18 ans à un jeune homme que plus que tout au monde j’aimais. C’est l’amour fort qui régnait entre nous qui nous poussa à nous unir par les liens du mariage, chose qui fut vue comme une sottise pure par mes parents. Pourtant, jamais cette union ne fut regrettée, ni par lui et encore moins par moi. Je l’aimais comme jamais. Il m’aimait d’autant plus, je ne le savait que trop. La tendresse que je lisais dans son regard avec don de me faire fondre et de faire naître en moi des sentiments d’une puissance qui m’était incontrôlable. Mais mon mari est mort. Il m’a quitté il y a un an de cela. Ce n’était pas un accident de voiture, ni un meurtre. La maladie ne l’a pas emporté, ce ne fut pas le triste résultat d’un abus quelconque. Bête et anodin. Voilà l’événement qui m’arracha ma moitié. Un événement bête et anodin. Il fut victime d’une glissade en sortant de la baignoire. Sa tête se fracassa. Mon cœur en miettes se brisa. Ce fut la fin. De l’amour. De tout. Il me manque, je pense à lui; c’est le genre de perte qui vous laisse déchirée et vidée d’émotions. Seule. Perdue. Morte. J’ose encore croire à l’amour. J’ose encore croire qu’il viendra à moi. Pour le moment, je suis une garce. Je ne me contente que de ce titre, ça me suffit amplement. Une garce. Qui a dit que derrière l’auréole d’un ange ne se cachaient pas des cornes. Qui a dit que les grands yeux bleus reflétant l’innocence même ne pouvait pas cacher une garce. Il ne faut pas se fier aux apparences. Je suis timide. Je rougis. Je pleure, je ris, je suis une enfant. Mais une enfant maîtresse de la séduction. Un prince charmant hante mes rêves. Un prince charmant, sur un beau cheval blanc. Mais pour le moment, les seuls princes qui hantent ma vie ont l’âme dépravée, et leur cheval n’est autre que noir d’ébène.