"Oui, je t'ai aimé." ( Joe. )

Les journées sont calmes ici. Tout le monde y va de sa chansonette, de sa petite mélodie jouée sur une vieille guitare sèche, ou parle tout simplement, mais ce sont toujours les gazouillements des oiseaux qui dominent. La nature est reine, chez nous. Je n'imagine même pas ma vie ailleurs, avec toute cette technologique polluante. Ceux qui ne vivent pas ici depuis toujours m'ont raconté comment est le monde, à l'extérieur. Ils m'ont parlé en termes de télévisions, d'Internet et d'autres choses high-tec, comme ils disent. Sincèrement, ma vieille guitare me suffit largement comme distraction. Et au moins, elle ne tombe jamais en panne.
J'étais assise en tailleur, sur un carré d'herbe moelleuse en compagnie de cette fameuse guitare depuis quelques dizaines de minutes déjà. J'étais venue seule, pieds nus comme la plupart du temps. Je composais en toute liberté, inspirée par le bruit du vent. Je commençais même à percevoir un thème dans mes nombreuses tentatives ! Une fois ceci fait, je la posais à mes côtés et me couchais sur le dos, regardant le ciel bleu et imaginant des formes dans les quelques nuages qui déteignaient.
Un bruit de pas m'intrigua : je me relevais sur les coudes et aperçut Joe, avançant d'une démarche assurée. Je n'aurais jamais pensé le revoir, celui-là.

Je ne savais pas comment réagir en sa présence. Depuis 3 ans maintenant, j'essayais de passer un minimum de temps à ses côtés tellement notre relation était ambigüe. Je l'avais aimé, certes mais c'était tout de même moi qui avait rompu. Notre différence d'âge était trop flagrante et je me doutais que ça nous poserait un problème à un moment ou à un autre.
Nous avions passé de bons moments ensemble.. mais je n'ai jamais regretté notre rupture. J'étais dans une situation bien plus stable avec Dallveig.
Ma première fois, mon premier contact avec les plaisirs de la chair s'étaient passés avec cet homme, je ne pouvais pas le nier outre mesure.
J'affichais un léger sourire et me rassit en tailleur à côté de ma guitare tandis que Joe avançait vers moi, quasiment à ma hauteur maintenant. Il complimentait ma façon de jouer, tiens donc.
- Hmm, merci.
Je ne savais que dire. Nous ne nous étions presque pas parlé depuis 3 ans, mais c'était inévitable. Je n'allais pas l'éviter jusqu'à ma mort tout de même ! Notre relation devait trouver un équilibre, même si ça devait être une haine mutuelle.
Je tapotais le carré d'herbe à côté de moi, bien décidée à mettre les choses au clair.
- Vient t'asseoir, s'il te plait. Je crois qu'il est temps que nous parlions.
De bien sages paroles. Je devrais faire preuve de sagesse et de calme durant cette discution. Tout ce que je recherchais, en fait, c'était juste de savoir si nous pouvions redevenir amis ou si nous avions trop changé et évolué pour cela. J'avais maintenant une chance de le savoir et je ne devais pas la laisser passer.

Il ne s'assit pas, comme je lui avais demandé. Tant pis, il était peut-être devenu rebelle durant ces années où je n'ai plus prêté attention à lui. Même si les rebelles n'ont pas tellement leur place ici, où tout n'est que calme et verdure.
Il s'accroupit juste devant moi, toujours assise en tailleur, et posa une main au sol afin de garder son équilibre.
Je le fixais dans les yeux, et ne souriais plus maintenant. Il venait de faire référence à mon dépucelage, environ 3 ans auparavant - j'étais certes un peu jeune, mais là n'est pas le sujet. Il avait même eu l'audace de cacher derrière ses paroles une allusion sexuelle. Je ne savais comment le prendre... dérision ou surprise ? J'optais pour la 2ème solution, sans trop montrer mon étonnement non plus.
- Je ne parlais pas de ça, idiot.
Le nom d'idiot étant totallement innoffensif dans ma bouche, évidemment.
- Je voulais juste te dire que j'en ai assez de t'éviter tout le temps et que j'aimerais vraiment qu'on arrête de tourner autour du pot. Si c'est encore à cause de cette histoire de rupture, je pense que ça a du passer, en 3 ans, non ? Il serait peut-être temps de tourner la page.
Je pensais totallement mes paroles. Si après ces années il en était toujours au même point, cela mettrait en évidence son manque de maturité, même à son âge.

QUOI ? Marié, puis divorcé ? Cette annonce me laissa littérallement bouche bée. Il continua de débiter ses remarques sur les relations, puis me laissa enfin le temps de me resaisir.
- Tu.. tu.. je...
Harg, mauvais essai. J'attendis quelques secondes, régulant mon souffle, puis reprit :
- Je ne sais pas quoi dire. Marié ? Divorcé ? Ca fait beaucoup pour moi.
Joe dans le costume de père de famille, c'était une image que je ne pouvais même pas intégrer. Mais, évidemment, il avait divorcé. Ca, par contre, ça lui ressemblait plutôt. Enfin, ça ressemblait au Joe que j'avais maintenant en face de moi.
Et puis, d'où sortait-t-il cette théorie sur les relations longues et courtes ? Au final, j'avais peut-être bien fait de ne pas le fréquenter ces derniers temps.
- Si ça te convient, tant mieux, mais je ne partage pas cet avis.
La différence entre le Joe d'avant - celui qui m'avait fait tourner la tête au point d'en oublier notre différence d'âge - et le Joe d'après était flagrante. Le physique restait le même, mais quand au mental... Bon, je devrais m'y faire : il avait changé.
Assis en face de moi, à présent, il me dévisageais, et ça me gênait. Je baissais le regard, regardant mes doigts jouer avec un brin d'herbe.
- Hum.. Tu voudrais bien me raconter ce mariage ?
Lui demander de m'expliquer m'aiderait peut-être à le comprendre, à présent. J'ai bien dit : peut-être.

C'était drôle tout de même de dire le contraire de ce que l'on pensait, du moins sur une certaine quantité de nos paroles. C'était un peu le cas du britannique qui était assis dans l'herbe. L'idée d'être celui qu'il n'avait jamais voulu être lui collait plutôt bien à la peau, il faut dire que son physique l'aidait et confirmait un peu la règle des… Je suis beau, mais qu'est-ce que je suis con. Seulement la question était de savoir s'il allait arriver à se comporter de la sorte aussi longtemps, après tout les rumeurs courraient à son sujet et il devrait sûrement faire face à des demandes plus osées de la production, mais s'il voulait se faire remarquer comme comédien, peut-être fallait-il poursuivre son but jusqu'au bout?… Ses paroles avaient d'ailleurs du surprendre Shannon, ou plutôt la laisser sans voix. Sourient fièrement en voyant la mine qu'elle lui adressait, il acquiesça d'un bref signe de la tête à ses paroles qui en gros, était contraire aux paroles de Shannon, qui n'était pas du genre de Joe. Ah bon, elle n'allait pas voir ailleurs? Quel dommage, elle aurait sûrement pu se contenter de plusieurs hommes à la fois.
«Ah bon? Moi qui croyais qu'être avec un mec plus âgé t'empêchais de t'amuser, je te voyais déjà passer des bras d'un mec, à ceux d'un autre.»
Il y allait, il ne voyait pas à quoi bon retenir ses paroles, quitte à faire voir Shannon comme une vulgaire garce. C'était presque amusant de lâcher des mots, vous n'aviez pas besoin de les retenir, vous les laissiez sortir afin que l'autre comprenne le fond de votre pensée ou de vos provocations puériles. Ne cessant de la regarder, il hocha négativement la tête lorsqu'elle lui demanda de lui parler de son mariage, il se voyait mal lui l'expliquer, il ne savait plus ce qu'il avait répondu à l'interview. Ça parlait d'une russe, mais le reste de l'histoire, il ne la connaissait plus.
«Je n'aime pas parler des erreurs du passé, mais toi, tu peux très bien me raconter ton aventure. Je veux savoir le chemin de cette jeune adolescente qui désirait vivre aussi librement que ses amies.»
Laissant un petit blanc, il ajouta d'une voix presque déçue.
«En me regardant, ce serait mieux. A moins que je te gâche peut-être la vue?»

Et Monsieur en remettait une couche, concernant mes relations. Est-ce que ça le regardait encore ? J'en doute. Mais bon, mieux vallait ne pas s'embrouiller avec lui, du moins à ce que j'ai vu de lui depuis toute à l'heure, ou je risquais d'avoir encore droit à ses remarques concernant notre ancienne relation.
- Et bien, figures-toi que je préfère être casée. Et je ne me trompais pas, c'est bien mieux avec quelqu'un de sa tranche d'âge si tu veux mon avis.
Encore un peu rancunier, le petit Joe.
Je n'étais pas du genre polygame mais si c'est souvent ainsi qu'on se figure les hippies. Plusieurs relations, pourquoi pas, mais pas en même temps. Je suis plutôt loyale...
Bref, de toute façon je n'ai pas l'intention, même une seule seconde, de tromper Dallveig. Le sujet est clos.
- J'aimerais entendre tes erreurs. Mais j'imagine que tu n'as pas l'intention de m'en parler. En ce qui me concerne, je suis avec le même homme depuis 2 ans. Mais je ne m'étalerais pas plus...
Quoique ça me tentait de lui étaler mon bonheur sous le nez, lui faisant remarquer que j'étais bien plus heureuse avec Dallveig qu'avec lui. Mais non, la vengeance n'apporte rien. Je me tairais donc.
Ho, il venait de remarquer ma gêne. Effectivement, je regardais toujours à terre. Pour seule réponse, je levais à peine la tête, affichait un pauvre sourire désolée puis reregardait à terre. Cette discution m'était plus supportable sans regarder ses émotions.

Je décidai de ne pas répondre à sa première remarque, une provocation. Je devais rester calme face à lui. Si je perdais mon sang-froid, il risquait de me provoquer encore un peu plus, et je n'étais pas aussi solide pour résister à cela. Je me tus donc. Et puis, d'un côté il avait raison, j'avais rompu à cause de la différence d'âge et de la peur de l'après, pas parce que je ne l'aimais plus, mais il m'était dur de me l'avouer.
Je relevais la tête, le regardant cette fois. Je respirais à fond, restant zen. Il venait de lancer une autre pique. Je ne pouvais pas me taire à jamais, donc je lui répondis, plutôt sèchement :
- Tu es un goujat. Tu ne peux pas dire que j'ai été une erreur. Tu m'as aimé, mais tu es trop têtu pour te l'avouer.
J'étais plutôt satisfaite de ma réponse, elle reflétait plutôt bien ce que je pensais.
Il aborda ensuite le sujet de l'infidélité, je souris gentiment et dit :
- Ca peut paraître difficile à croire, mais nous sommes très fidèles.
Je le regardais toujours, lui aussi me regardait. Ce long échange de regards me mit un peu mal à l'aise, mais je ne baissais pas les yeux. Je n'étais pas décidée à me faire marcher sur les pieds par cet homme.

Agacée par ses paroles, je me laissais tomber dans l'herbe, amortie par une bonne couche de gazon, plutôt agréable.
Je savais qu'il avait raison, nom d'un chien ! Mais je ne voulais pas qu'il ait le plaisir que je le lui dise. Je me tus, et ferma les yeux. Je cherchais une réponse convaincante, qui l'amènerai à ne plus ramener ce sujet sur le tapis.
- Tu sais très bien, comme moi, que notre situation n'aurait pas pu durer. Le sujet est clos, de toute manière.
Je ne pouvais pas être plus claire : j'en avais marre de parler du passé. A présent, il fallait avancer, qu'il le veuille ou non.
Il me cita ensuite : "Nous sommes très fidèles..." puis me demanda si j'avais confiance en Dallveig.
- Evidemment. Il est digne de confiance et je suis sure à 100% qu'il ne me tromperait jamais. Mais, c'est réciproque. Je ne m'imagine même plus avec un autre homme qu'avec lui. Si il avait s'agit de toi, j'aurais sans doute ramené mon pourcentage à 20.
Il m'avait fait mal, je lui ramenait la pareille. Je ne précisais pas, tout de même, que ces 20% étaient même un peu trop pour lui. Je ne voulais pas être cruelle même si je savais qu'il s'en ficherait.

[ omg. j'adore ton post. ]

Non, effectivement personne ne le savait. En tout cas, ça ne me tentait pas de le savoir, mais si lui le voulait, il n'avait qu'à aller voir Elisa, la voyante du camp. Elle était très douée, à ce que l'on m'avait dit mais je n'avais jamais eu l'occasion d'user de ses services. Je n'avais qu'une confiance limitée en ses méthodes.
En soupirant un bon coup, je lui répondit, sure de moi :
- Je ne fuis pas mes paroles, tu m'exaspères, c'est tout.
Puis lorsque je lui parla de mon histoire de pourcentage, il tressaillit faiblement, repartant dans un rire qui carillonait, dans ce grand silence isolé. Il me dit des choses qui allaient à l'encontre de ce que je pensais. Il avait tord de généraliser, personne n'est identique, personne ne réagit de la même façon. Quel idiot.
- Y compris toi ? Surtout toi, vu ce que tu es en train de débiter. Tu as tord. Tu généralises, tu ne connais même pas Dallveig. Si tu le connaissais, tu saurais que nous sommes fait l'un pour l'autre et que rien ne pourra y changer. Mais tu ne peux pas comprendre, évidemment.
Je commençais à faire des répliques de peste. Tant pis, si il fallait en arriver jusque là, j'y étais prête.
Je fermais toujours les yeux, quand je sentis de chaudes mains s'aggriper à mes mollets et à me forcer à écarter les jambes. Je n'en croyais pas mes yeux : c'était délibérément pour m'intimider. Une sorte de tentative de viol, ou tout du moins, un semblant de tentative de viol. Je m'assis immédiatement et repliais mes jambes sur mon côté gauche. Avant que je n'ai eu le temps de dire un mot, il revint sur notre passé sexuel. J'y étais peut-être allée un peu doucement en le traitant de goujat, non ? Pervers serait sans doute un meilleur qualificatif pour le type d'hommes qu'il était.
- Tu.. Tu .. réalises ce que tu viens de faire, j'espère ? Pour repartir sur de bonnes bases, ce n'est pas le meilleur moyen à mon avis. Et si tu pouvais éviter de revenir sur mes premières fois, ça m'arrangerais, merci.
Durant toute ce débit de paroles, je l'avais fixé d'un regard noir. Ca ne se faisait pas. C'était honteux de m'avoir mise dans une telle position. Même si nous étions très libérés, je ne l'entendais pas de cette oreille. Pas quand je ne le voulais pas.

Souffler, expirer, souffler.. Une rangaine qu'il ne me fallait pas oublier maintenant. Je sentais une haine, que je ne connaissais qu'à peine, monter peu à peu en moi. Partant de mon estomac, remontant doucement dans mes membres, les faisant trembler quelques fois.
Souffler, exprirer, souffler... Fermer les yeux, les ouvrir.
Une sensation nouvelle, cette haine. Je n'avais pas eu à m'en servir encore, dans un monde fait uniquement d'amour et de paix et je commençais à comprendre réellement pourquoi je me battais spirituellement contre cette colère : cela ne menait à rien, c'était bien connu.
Il savait taper où ça faisait mal, me pousser jusqu'à explosion.
Souffler, exprirer, souffler.. puis parler, enfin.
- Raison ne serait pas le mot. Tu me fais douter et je n'aime pas ça.
Il n'avait pas raison, loin de là, mais, avec ses répliques saignantes, il me faisait douter, ce que je haïssais. Je vivais au jour le jour, et à cause de lui, je me souciais du futur. Oui, à chaque fois que je me trouvais avec lui je pensais au futur, ce qui n'était pas dans mes principes. Ce qui devait arriver est arrivé, point.
Plus je sentais la sensation de sa chaleur s'éloigner, plus ma haine s'en allait elle aussi. Je respirais mieux à présent, même ci ce n'était pas encore normal. Je ne tremblais plus. Si il ne me touchait plus, j'était à peu près sure de ne pas dépasser le seuil de violence verbale.
- Te plaquer pour m'amuser ? Tu me connais donc aussi mal ? J'ai vraiment souffert après notre rupture, mais je savais que c'était pour aller mieux ensuite et ne pas à avoir à toujours douter de toi.
Ma colère en était toujours au même point qu'avant que je n'ai parlé. Je fus satisfaite qu'elle n'ait pas remonté lorsque je parlais.
Il venait de me dire qu'il ne voulait pas repartir sur de bonnes bases. Que voulait-il alors ? Qu'on se remette ensemble ? N'importe quoi.
Puis il continua, faisant quelques peu augmenter mon rythme cardiaque, se rapprochant de moi, me touchant presque. Je retins mon souffle, avant de lui répondre.
- Moi, j'aurais voulu repartir sur de bonnes bases. Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait, je ne le regrette même pas vois-tu, mais ce qui est fait est fait, nous n'avons pas à y revenir dessus, même si je sais que ça t'amuse de te moquer de mes premières fois. Et pourquoi voudrais-je te prouver le contraire ? Je n'ai rien à prouver, à ce que je sache et même si tu le voulais.
Il n'était à présent plus qu'à quelques centimètres de moi. Je devais réfléchir à chacun de mes gestes, ce qui m'irritais au plus au point car je n'avais pas l'habitude de le faire. Si je faisais un seul faux pas, il en profiterait, j'en étais sure.

[ Non, c'est bien ]
Ma colère était tombée. Tant mieux : parler en étant aussi frustré donnait parfois lieu à d'étranges quiproquos, qu'il fallait ensuite expliquer, et bla bla bla, pas besoin de vous faire un dessin. Je voulais juste revenir en arrière et ne jamais avoir croisé sa route cette après-midi, ne jamais avoir joué mon stupide air de guitare pour qu'il ne me remarque pas, rester à la caravane avec Dallveig, plutôt que d'avoir à discuter encore une seconde avec cet homme, assis en face de moi. Mes paroles étaient hésitantes, ce qui était rare chez moi. J'avais plutôt tendance à parler sans réfléchir, impossible avec Joe. J'en était à me demandé comment j'avais pu aimé quelqu'un comme lui. Il avait changé, c'était là le problème. Moi, j'étais plus épanouie que jamais. Enfin, avant qu'il ne vienne m'importuner, bien sur.
- Oui, des doutes que je déteste et qui ne devraient même pas exister.
Impassible, je le regardais maintenant dans les yeux. Lui, me fixait. Son regard arrivait quelques fois à m'intimider à cause d'un regard lourd, noir et un peu pervers sur les bords.
Je remarquais que son ton avait un peu changé. Il utilisait des termes d'excuse, ce qui me rassura quant au fait qu'il n'était pas aussi méchant qu'il l'avait laissé paraitre quelques minutes auparavant.
- Je n'ai jamais pris le bus... Mais bref. Je ne voulais pas aller voir ailleurs, dans un premier temps. Je t'aimais encore, j'ai mis plusieurs mois à me convaincre que c'était passé. Ensuite, j'ai pu passé à autre chose.
L' "autre chose" en question était Dallveig, une personne qui méritait toute ma confiance et tout mon amour à présent.
Je souris, essayant d'apaiser la situation. J'ignorais si ça allait marcher.. La situation était plus que tendue. Enfin, pour mon cas car Joe semblait d'une assurance et d'une aisance inébranlables.
Ses doigts vinrent chatouiller les miens. Je laissais ma main, estimant qu'il n'y avait pas à s'affoler. C'était même plutôt agréable, dans un sens.
- Disons que ça pourrait nous permettre de nous parler sans que nous ayions toujours à nous justifier. Je n'ai pas honte que tu m'ai dépucelé, ça devait arrivé, et j'ai trouvé ça très bien, même. Je ne suis pas coincée, mais essaye de me comprendre, ça fait deux ans qu'aucun homme ne m'a touché hormis Dallveig, j'ai un peu de mal.
Il toucha maintenant ma joue, doucement. Une sensation chaude, pas désagréable même si le soleil était au rendez-vous aujourd'hui. Je le vis poser ses yeux sur mes lèvres. Je ne savais pas encore de quoi il avait l'intention, je le laissais donc faire. Je n'allais pas lui arracher les yeux, tout de même.
- Je n'ai pas de choses à te prouver, et je ne suis pas une sainte. Des sujets tabous ? Je ne pense pas. C'est juste que j'ai souffert à cette période et il m'est difficile de me la remémorer.
Quant il me dit cette dernière phrase, j'eclatais de rire, ironiquement bien sur, reposa mes yeux sur lui et répondis :
- Tombée bien bas, moi ? Je pense que je m'en suis plutôt bien sortie, au contraire. Par contre, toi, tu devrais penser à revoir ton comportement.
Il savait parfaitement de quoi je voulais parler. Durant toute cette discution, il n'avait cessé de m'envoyer des piques, de me dire des choses qui étaient censées me blesser, il s'était moqué de moi. Ce n'était pas une attitude que j'approuvais.

« Joe, ici Chris. Fais gaffe, faut pas qu'elle voit ton oreillette.

On a un petit défi pour toi, Joe! Alors écoute bien, mais fais attention, sois discret! Au pire, j'enverrais quelqu'un rattraper le coup. Bref. Pour 5000$, embrasse-la. Si t'essayes pas, tu es viré. Au boulot, mon gros! Si elle refuse, évaporés, les dollars.. Fais-la céder, tu sais faire. Bonne chance! »

Pour une bonne raison avait-il dit. Je ne le considérait pas comme une bonne raison, car au fond, mes doutes venaient de lui. Je ne pense pas avoir fait une mauvaise chose en me séparant de lui, je pense même que j'avais très bien agi à l'époque. A cet âge, il m'était encore difficile de peser le pour et le contre mais dès que je me visualisais dans le futur, si j'étais encore restée avec Joe, je me voyais seule, désertée. Certes nous nous serions aimés mais cette relation en aurait juste eu le nom. Il serait allé voir d'autres femmes, il serait allé chercher d'autres horizons. Et maintenant, il me disait que mes doutes étaient pour une bonne raison. A la réfléxion, non. Je n'avais pas de raison de douter, j'avais très bien agi.
Je souris légèrement pour seule réponse. Je n'avais pas envie de me justifier, encore une fois.
Il reprit ensuite au sujet de notre rupture. Mon sourire s'effaça. Je l'écoutais attentivement, puis trouvait une réponse adéquate :
- Oui, il allait très bien. Mais si nous étions restés ensemble encore quelques années, tu te serais lassé et tu serais allé voir d'autres femmes. Même si nous sommes dans une communauté hippie où la polygamie est plus que courante, je n'envisage pas un couple ainsi.
J'étais d'ailleurs une des rares exceptions de la communauté, avec Dallveig, à être favorable à la monogamie. Je fréquentais beaucoup de femmes et d'hommes ayant plusieurs compagnons ou compagnes, et je ne fesais aucune différence, cela ne me gênait pas tant que ça ne me concernait pas.
- Pas forcément amis, mais juste être neutres. Ca pourrait être différent maintenant, car nous avons l'occasion de faire changer les choses.
Lorsqu'il me dit que Dallveig ne me touchait pas beaucoup depuis les deux ans que nous étions ensemble, je partis d'un petit rire mélodieux. Ne pas nous toucher, nous ? Il m'analysait bien mal. Au contraire, nous étions très tactiles et sensuels. Nous passions des heures enlacés, à s'embrasser ou même plus..
- C'est ce que tu crois, ça.
Je ris encore un peu, puis arrêtait. Joe avait posé sa main sur ma joue, ce qui me rappela autrefois. Il avait beaucoup de petites attentions telles que celle-ci. Sa peau était un peu rugueuse, usée. Il la bougeait doucement sur ma joue, faisait attention à ses mouvements.
Il repartit ensuite sur le fait que mon petit-ami actuel ne me toucherait pas assez, etc.. Je ne répondis pas, ce que j'avais dit précédemment devait lui avoir suffit.
Joe s'approchait de plus en plus de moi. Sa main glissa dans mon cou, me donnant quelques frissons au passage. Il se concentra quelques secondes, j'ignorais pourquoi. Il vint ensuite poser sa joue contra la mienne. J'entendais à présent son souffle régulier à mon oreille. Il jouait un jeu dangereux.
Toujours à mon oreille, il chuchota quelques mots, auquels je répondis tout aussi doucement.
- Quand je parlais de ton comportement, je pensais plutôt à ce que tu es en train de faire, là.
Je sentis qu'il déposa un baiser au dessus mon oreille. Il se recula ensuite, c'était plus sage selon moi. Sauf qu'au lieu de revenir à une distance correcte de mon visage, il se plaça juste en face de moi. Je savais parfaitement ses intentions à cet instant. Une bouffée de panique commençait à monter en moi. Comment réagir ?
Alors que je commençais à réfléchir à une technique qui permettrait de m'enfuir en moins de 5 secondes, il ouvrit son coeur à moi. Il m'était impossible de ne pas lui répondre.
- Oui je me dis exactement ça. A mon avis, tu essaies de te défendre d'un passé qui te rattrape.
Puis il finit par commenter notre routine d'autrefois, ce qui me laissa rêveuse. C'est vrai qu'à cette époque, tout était plus naturel que maintenant. C'était avec lui que je m'étais épanouie. J'allais presque verser une larme, lorsque arriva ce que j'avais redouté : il posa sa main sur la mienne, puis m'embrassa délicatement. Incapable de bouger, je le laissais faire sans en rajouter. Ce baiser n'avait duré que quelques secondes, assez pour me déboussoler. Il retira ses lèvres des miennes. Où étais-je ? Qu'avais-je fait ? Que s'était-il passé ? Je me souvins immédiatement, en voyant le visage de Joe. Il me regardait, attendait surement que je le gifle ou que je réponde. Incapable. Un silence s'installa, on aurait pu entendre une mouche voler. J'avais repris le contrôle de mon corps. Je pouvais donc tenter de dire quelque chose, ou, du moins, essayer.
- Pourquoi tu as fait ça ?
Question simple, mais essentielle à mes yeux.

Apparemment Shannon tentait d'écourter la discussion, de toute façon elle savait tout autant que Joe que cela ne les mènerait à rien, qu'ils avaient tout deux leurs points de vue et que le jeune homme se ferait un malin plaisir de contrer sans cesse les idées qu'elle lui donnerait. Après tout lorsqu'ils avaient été ensemble, leur différence d'âge était grande, Shannon était en plein dans son adolescence alors que Joe avait déjà appris à prendre ses responsabilités et à devenir quelqu'un, les doutes qu'elle avait alors pu ressentir à cette époque n'étaient pas vraiment étonnants. Et oui, elle avait raison sur beaucoup de choses, mais Joe savait changer les choses ou du moins il tentait d'y parvenir du mieux qu'il le pouvait. Comme Shannon fit du mieux qu'elle le pouvait afin de lui faire comprendre que leur relation n'aurait pas pu durer, en gros elle lui faisait clairement comprendre qu'il se serait lassé d'elle, chose qui le fit bouillonner à l'intérieur, de savoir qu'elle pouvait penser ça de lui. A l'extérieur ce fut plutôt le contraire, il avait même rigolé pour tout vous dire et n'avait pas trop attendu pour lui répondre.
«Si tu le dis, c'est que tu as sûrement raison, pourquoi m'emmerder avec une adolescente qui rendait ma vie ennuyante, hein?» Laissant un bref silence, il voulut dire quelque chose au sujet de cette polygamie qui habitait beaucoup de hippies, seulement il n'eut rien à dire et se contenta justement de hausser les épaules comme il en avait l'habitude lorsqu'il n'avait rien à dire et pourtant les portes lui étaient grandes ouvertes. Il aurait certainement pu mettre sa parole en doutes, mais à force d'attaquer sans cesse, il allait se lasser et elle, allait commencer à ne plus être sensible à chacune de ses piques.
«Être neutre? Peut-être que pour toi c'est facile, mais pas pour moi. J'ai vraiment pas envie que les choses changent. je pense que cette entente que l'on a, nous va très bien.»
Ce qu'il croyait? C'est ce qu'il voyait plutôt, ce qu'elle lui faisait ressentir. Ce n'était pas la même que dans ses souvenirs et même s'il n'était pas le plus adorable du monde, ça ne devait pas affecter la personne qu'elle était. Elle avait évolué, mais pas dans le bon sens d'après lui, à l'entendre il avait parfois l'impression qu'elle lui parlait du prince charmant, de la vie en rose mais d'un côté, lorsqu'il se rappelait de la communauté qui se trouvait ici, il ne devait pas en être étonné.
«Non, c'est ce que je ressens en t'écoutant.»
En parlant d'écoute, il y eut la production, leur intervention n'avait pas été bien vue de certains acteurs lorsque les règles avaient été mises en place, mais pour Joe, c'était une manière de pousser son rôle, de faire quelque chose d'assez osé. Même si l'idée de l'embrasser lui était venue, il savait qu'il ne devait pas trop s'attarder si la production lui le demandait. Heureusement pour lui qu'il avait des ressources et que son petit rôle avait bien fonctionné. Il n'avait pas tout de suite pris le rôle de l'ex petit-ami perdu, non il avait gardé cette teinte de provocation dans sa voix en venant caresser la joue de Shannon de la sienne. Lorsqu'il lui avait enfin murmuré cette dernière «pique», il s'était enfin retirer pour entendre la belle brune. Ses paroles eurent de l'effet du moins, Joe joua avec, s'enfermant dans des souvenirs. Tout en parlant, il avait pris soin de caresser tendrement la joue de la jeune hippie, ne citant qu'un bref détail qui pour lui, était important. Il avait toujours été quelqu'un de très câlin, de très tendre, il savait aussi que c'était ce qui plaisait à une femme et c'est donc pour cela qu'il avait détaillé un doux matin aux côtés de Shannon. Il ne prenait plus en compte les paroles de la jeune femme et se concentrait que sur son objectif. Lorsqu'il avait enfin pu déposer ses lèvres sur celles de Shannon, il avait été surpris de ne sentir aucun geste pour le repousser, ses lèvres n'avaient même pas tenté de se décoller des siennes. Après quelques secondes, leurs visages se retirèrent, l'un en face de l'autre, Joe serra doucement les gens en pensant que la gifle allait arriver d'un moment à un autre, mais contrairement à ça, Shannon lui posa une question. Sur le coup, il resta silencieux, ayant une envie folle de sourire en imaginant une scène de cinéma. Mais son sérieux prit le dessus et son regard tomba dans celui de la jeune femme, puis sur ses lèvres, son cou, ses doigts et enfin le sol. Il fi glisser une main dans sa nuque, la massant lentement, c'était le fameux geste de la gêne, de l'angoisse et de la crainte. Prenant une petite inspiration, le britannique tenta de répondre d'une voix déboussolée, tout comme son regard qui tenta malgré tout de se reposer sur celui de la jeune femme.
«Je… C'est…» Au fond de lui, il rigolait, c'était tellement amusant de voir la tête qu'elle tirait et lui qui faisait ce cinéma. Néanmoins il n'allait pas le regretter, ce baiser avait beau été court, il avait été appréciable et pour y revenir dessus, il trouva la réponse qui se formulait en une simple question. «Pourquoi tu ne m'as pas repoussé tout de suite?…»

Je souris à sa réponse : il appuyait ce que je venait de dire. J'étais à la fois contente d'avoir eu raison, et à la fois vexée qu'il pense ça. De toute façon, ça ne comptait plus : nous n'étions plus ensemble depuis un peu plus de deux ans. Je ne lui répondit rien, plutôt partagée entre l'outrage et la satisfaction.
Il haussa ensuite les épaules quand je continua sur le sujet de la polygamie au sein du camp hippie. Lui non plus ne devait pas trop savoir que dire. Un silence était tellement plus facile à assumer que des paroles.
Toujours assise, les jambes repliées à côté de moi, je jouais avec une pâquerette tout en regardant Joe et en continuant notre discution. Je trouvais qu'elle était un peu plus calme qu'avant, ce qui me rassura. Si elle était montée crescendo, elle aurait surement mal fini..
- Ce n'est pas facile pour moi non plus, je te rassure. Tu appelle ça une entente ? Je pensais plus à un qualificatif du genre relation tordue, perverse et qui ne mène à rien.
Notre relation, même avec ces adjectifs était difficile à définir. Pour commencer nous nous étions aimés, puis il m'avait détesté. A présent.. je n'en savais trop rien. Une sorte de haine passionelle, empreinte de culpabilité, de remords et de choses dans ce genre.
- Ce que tu ressens en m'écoutant ? J'aimerais que tu m'expliques comment tu fais pour arriver à ressentir ça, ça doit être génial comme "pouvoir".
J'avais fait un signe de guillemets sur ce dernier mot, délaissant ma pâquerette avec laquelle je m'amusais.
Après qu'il m'ait embrassé, lui aussi semblait déstabilisé. Il se massait la nuque, son regard divaguait. De réelles preuves d'embarras. Peut-être qu'il regrettait son geste, même si j'en doutais fortement : apparemment, ce n'était pas son genre de regretter. Il essaya ensuite de me répondre, en vain. Il bredouilla puis abandonna, tout en enchainant sur une autre question qui m'était destinée cette fois-ci.
Pourquoi ne l'avais-je pas repoussé ? Tout simplement :
- Dès lors que tu as posé tes lèvres sur les miennes, il m'était impossible de faire un seul geste. Tu m'as tétanisé. J'aurais voulu te repousser, te gifler mais j'étais comme une statue de pierre pendant quelques secondes. Cependant, je peux toujours le faire maintenant.
Certes, je pouvais le faire, mais ce n'était pas dans ma nature de gifler. Même pour des garçons manipulateurs et sournois dans son genre. Je ne fis donc rien, laissant ma menace en suspens.

[ Désolée, pas très long mais les longs posts me découragent pour y répondre ]